Christian Benoist
Placés sous le signe d’une étrange quiétude, les recoins de ces architectures abandonnées sont les lieux du retranchement de l’intimité très personnelle de Christian Benoist. Briser le quatrième mur de la toile comme au théâtre, voilà la portée de ce travail où le peintre s’imagine y créer son refuge. Par le repli d’une rêverie éveillée, il retrouve dans ces étendues les vestiges de son enfance. Le caractère pittoresque de ces bâtiments renvoie à toute une nappe du passé où l’intimité du peintre s’est construite et à laquelle il accède au moyen du songe.
La profondeur sentimentale des toiles de Christian Benoist est tout à fait sincère ; elle propose de nous livrer un peu de temps à l’état pur. Faire visiter ces lieux de vie, est une façon pour l’artiste d’y revivre les périodes heureuses de son enfance, durant lesquelles il éprouvait déjà cette fascination pour eux, témoins d’une existence. Et de fait, au travail de la mémoire s’ajoute un imaginaire qui berce et qui accompagne ses souvenirs. Mémoire et imagination travaillent de pair, et nous laissent espérer atteindre les profondeurs insoupçonnées d’une poésie perdue, appartenant au passé.
Fixés par l’inconscient dans les recoins de l’esprit, les souvenirs qui guident le tracé de ces lieux sont ceux d’un rêveur des temps perdus. Tout un chacun est alors touché par une émotion bien particulière ; il ne s’agit plus de deviner les endroits qui ont inspiré ces toiles, mais d’y reconnaitre ceux auxquels ils nous renvoient. Les toiles de Christian Benoist sont les lieux où se rejoignent un sentiment partagé, une expérience commune de l’humanité.
Les passages, les portes, les murs délabrés, soulèvent un passé qui ressurgit et qui laissent libre court à l’imagination du spectateur. Il s’agit de mettre les lieux à l’épreuve du temps, certes, mais d’un temps qui embellit et où les strates qu’il induit se décomposent au gré du regard qui se pose dessus. Dès lors, l’attention portée au délabrement ouvre la brèche à tout un possible, aux frôlements des existences qui, de leur passage, ont marqué ces décors du souvenir. Le rôle que Christian Benoist s’assigne est donc celui de se représenter une histoire fantasmée dans un temps conditionnel. Il se transporte dans un futur imaginé où, à partir de ses souvenirs, il peint le temps qui passe.
Aux graffitis inscrits sur les murs répondent le tracé du peintre, qui, de son pinceau, marque les lieux de son passage. Tourné vers l’intimité de ses souvenirs, Christian Benoist s’imagine celui du temps, des éléments, mais aussi celui de l’homme, qui a gravé les murs de la cicatrice de Chronos. Dès lors, et comme la très belle formule de Bachelard le résume : « à la rêverie appartiennent les valeurs qui marquent l’homme en sa profondeur ».
Alice Delacroix
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