Paris

In Situ Suivante
13 Nov

INNER MOVEMENT – FRANCESCA PIQUERAS

30 octobre au 29 novembre 2025

C’est avec force que Francesca Piqueras revient sur la scène qui oppose l’homme et la nature. En retournant sur les carrières de marbre de Carrare, en Toscane, l’artiste poursuit une trilogie entamée avec Movimento et Marbre. Cette fois, elle a posé son regard à fleur de roche, serrant au plus près les fractures et les balafres d’un conflit inextinguible entre la citadelle de marbre et les âpres machines qui l’assiègent. Au gigantisme de cet ouvrage titanesque, qui consiste à extraire à ciel ouvert des blocs colossaux de pierre immaculée, Francesca Piqueras oppose un minimalisme proche de l’abstraction pure, une calligraphie énigmatique où se lit la mémoire d’une montagne assaillie depuis des millénaires. Chaque ligne, chaque fragment relatent à livre ouvert un incessant travail de sape, qui perce et aplanit les cimes depuis si longtemps que la mémoire des générations qui se succèdent en oublie les formes précises de ce relief de montagne. En consignant avec son objectif le graphisme symbolique de ce passé tellurique, Francesca Piqueras écrit en images sobres et puissantes une histoire singulière et universelle, celle de l’humanité constamment vouée à modifier le monde qui l’entoure.Fidèle à son éthique, l’artiste ne se positionne pas sur les motivations profondes de cette destruction perpétuelle. Son constat, aussi épuré et élégant qu’un idéogramme tracé à l’encre de Chine, livre une approche esthétique parfaitement maîtrisée, qui transcende tout manichéisme opposant l’humanité à la nature. Ce qui est affirmé ici, c’est la perception de l’artiste, qui explore avec pertinence et acuité le théâtre des débordements industriels, et qui en offre une lecture où la beauté s’exprime malgré une violence permanente jamais montrée, mais dont les traces sont évidentes. Francesca Piqueras sait poser les yeux sur les splendeurs du monde. En jouant avec la lumière et les formes, les angles et les volumes d’une roche tour à tour rêche ou soyeuse, elle évoque avec grâce les tourments et la résilience de la montagne. Son écriture insolite, proche de la poésie visuelle d’Henri Michaux ou des abstractions lyriques de Vassily Kandinsky, de Jackson Pollock ou du Groupe Cobra, révèle au grand jour, avec pudeur et sans ostentation, ce qu’il persiste de beau dans un univers livré au chaos. 

Joel Halouïa